Histoires de ballons
J’ai du mal à croire que le premier article de la catégorie « Inspirations » que j’écris porte sur le football, moi qui n’accorde en règle générale aucune importance au sport. Le Mondial et l’Euro de football font pourtant figure d'exception : je regarde les matchs de la compétition avec une ferveur qui me surprend moi-même.
Cela a commencé grâce à l’émission de France Inter l’Œil du tigre spéciale Euro 2016. Des invités, historiens, anciens joueurs, artistes, écrivains, venaient y parler de leur passion du football et de leur relation personnelle au ballon rond, livrer leur analyse du jeu et des équipes, raconter l’histoire de ce sport et partager des anecdotes sur les joueurs. J’ai aussi découvert le fil de commentaires des matchs en direct sur le site du journal Le Monde, animé par une équipe à l’humour potache.
Je suis fascinée par le caractère fédérateur du football : on estime que 20 millions de Français, un peu moins du tiers du pays donc, ont regardé hier la demi-finale du Mondial, et que près de 3 milliards de personnes à travers le monde regarderont la finale dimanche. Pendant cette période, les animosités sont éphémèrement suspendues et l’unité nationale est recréée autour de l’équipe que l’on soutient. L’exemple de la Belgique avec ses Diables rouges est frappant. En regardant le football, je sens en outre viscéralement que mon attachement va toujours vers la France, bien que j’habite en Allemagne depuis plus de 10 ans et aime ce pays qui est aussi celui de mon mari. Je me souviens de la découverte en 1998 de la magie de ce sport lors de la première victoire de la France pendant un Mondial, et du traumatisme collectif qu’a représenté la défaite suite au coup de tête de Zidane lors de la finale du Mondial 2006.
Le football, c’est vivre l’instant présent en attendant avec fébrilité qu'un but vienne récompenser notre attente. C’est regarder se nouer une histoire et une mémoire collective sous nos yeux. C’est vivre des moments de joie soudains, et des déceptions qui le sont tout autant. C’est devoir accepter l’injustice et le fait que la victoire et la défaite ne tiennent qu’à un fil. N’est-ce pas, somme toute, une parfaite métaphore de la vie ? Dans la vie aussi, les moments d'effort sont la règle et grandes joies sont rares. Dans la vie non plus, il ne faut pas grand-chose pour nous faire passer du rire aux larmes. Dans la vie aussi, certaines destinées se jouent sur des détails. La vie aussi est parfois injuste. Et dans la vie non plus, on ne sait jamais avant de vivre un moment comment il va se passer. Ces dernières années, je me suis souvent dit que je donnerais tout pour savoir si j’aurai ou non des enfants un jour, pour pouvoir en faire mon deuil ou au contraire avoir l’assurance que ma persévérance sera récompensée. Quand je regarde le football, la magie du présent devient apparente et me fait reconnaître que je me trompe. Rien n’est plus ennuyant et terne que de regarder un match dont on connaît déjà le résultat. Il en serait sans doute de même de ma vie.