Liberté

Dernièrement, je discutais avec un collègue de la façon dont nous occupions nos week-ends. Il me disait qu’avec ses deux jeunes enfants, il avait du mal à se reposer et enchaînait les obligations. Il a été étonné quand je lui ai dit qu’à moi aussi, il ne m’arrivait que très rarement de trouver le temps de m’asseoir sur mon canapé pour lire ou regarder un film. Qu’on soit parent ou non, il me semble qu'être adulte va de pair avec un certain degré d’occupation. Ce n'est pas l'intensité de mes occupations mais leur nature qui différencie la personne que j’aurais été en devenant mère de celle que je suis aujourd’hui.

Mère, mes actions auraient été déterminées avant tout par l’éducation de mes enfants. C’est au moins ce à quoi je me serais attendue : qu’une grande partie de mon énergie soit absorbée par cette mission tantôt épuisante, tantôt gratifiante.

Aujourd’hui, j'occupe week-ends et soirées avec l’écriture de mon journal, de mon blog, de mon courrier et de mes mails, avec la préparation de surprises de mariage ou de cadeaux d’anniversaire, avec les visites à mes amis ou ma famille, avec le chant et la chorale, avec l'organisation de voyages, avec les sorties culturelles ou l’apprentissage de l’Italien.

D’aucuns pourraient penser que rien ne me force à mener de front toutes ces activités et que je pourrais choisir de me reposer quand je ne suis pas au travail ou en train de m'occuper de l'intendance obligatoire. Ce n’est pas mon avis. Comme mes enfants auraient donné une nouvelle dimension au sens de ma vie, l’écriture, la musique, les voyages et entretenir des relations avec mes proches sont les seules choses qui rendent à mes yeux ma vie intéressante et digne d’être vécue. Cela me rappelle la différence que fait Edgar Morin entre « états prosaïques » et « états poétiques » : les uns relèvent de la survie, des obligations sans passion, les autres de la vraie vie, celle où nous communions.

Mais revenons à la conversation avec mon collègue. En y repensant après coup, j’ai eu une sensation étrange, vertigineuse. N’est-ce pas le comble de l’ironie ? Lui, qui a choisi d’avoir des enfants (et a pu en avoir), a aujourd’hui le sentiment de ne rien choisir, parce que les contraintes familiales lui dictent son quotidien. Et moi, justement parce que je n’ai pas eu le droit de choisir d’avoir des enfants, je suis libre de dessiner ma vie et d'occuper mon temps comme je le souhaite. Cette liberté m'est offerte parce que j'ai accepté d'embrasser mon destin et refusé de diriger tous mes efforts vers un seul projet à l'issue incertaine. Une immense reconnaissance m'envahit d'avoir trouvé la force de renaître à d'autres possibles.