En ce début de mois de septembre, j’ai envie de partager avec vous un dernier havre de paix avant l’engloutissement dans le tourbillon du quotidien. La découverte d’un petit pays à la langue chantante mais absolument incompréhensible pour qui ne parle pas couramment le finnois, entre Scandinavie et Russie, contenant des écrins de nature rare et menacée comme il n’en existe plus beaucoup en Europe.
En Estonie, j’ai découvert :
Les remparts de Tallinn…
et la cathédrale orthodoxe Alexandre-Nevski, posée sur la ville haute comme une meringue.
Un mélange de styles architecturaux, du baroque…
à l’Art Nouveau.
De l’art urbain poétique,
des trouvailles architecturales pour rénover d’anciens quartiers industriels…
et une mosaïque de portes colorées s’ouvrant sur des maisons en bois en plein cœur de la capitale.
Plus loin de la ville, dans le parc national de Lahemaa, de jeunes forêts de pins remplies de myrtilles…
et des forêts plus que centenaires où le bois mort est laissé sur place.
Des champignons de toutes formes et couleurs…
et des champs de lichen à perte de vue.
Des tourbières qui se sont formées sur plusieurs millénaires, alimentées uniquement par l’eau pluviale et déconnectées des eaux souterraines…
et leur végétation particulière, fortement spécialisée pour s’adapter à un environnement acide et pauvre en nutriments.
Des libellules,
des papillons qui migreront sur des milliers de kilomètres avant l’hiver,
des crapauds de l’année longs d’un centimètre…
et des grues cendrées qui se rassemblent dans les champs fraîchement moissonnés avant de prendre leur envol pour le Sud.
Des blocs erratiques parfois gigantesques qui détonnent dans un paysage de dunes et de tourbières, transportés lors de la fonte du glacier qui recouvrait l'Europe du Nord, il y a 10 000 ans environ…
et des plages calmes et désertes.
Les manoirs et domaines des Allemands qui ont formé la minorité dominante dans les pays baltes entre le Moyen-Âge et 1940…
et des restes d’installations soviétiques sur la côte.
Une cuisine estonienne délicieuse et surprenante, comme cette glace à l’ail…
et la possibilité de jouer au tennis de table un peu partout, ici à l’aéroport !
Je garde en moi ces images tout en reprenant tant bien que mal le cours du travail interrompu par mes congés : rester assise devant un ordinateur durant des heures, avec parfois l’impression d’être dans une cage et de ne réellement « vivre » que quelques semaines par an. Il me semble que l’engouement récent pour les stages de retour à la nature prend son origine dans le fait que nous sommes nombreux à vivre comme hors-sol la plus grande partie de l’année. Comment réinventer un travail qui a du sens et qui ne donnerait plus l’impression de passer à côté de sa vie pendant qu’on est occupé à la gagner ? C’est un défi dont la résolution collective n’est sans doute pas pour demain.
Alors, la seule solution que j’entrevois aujourd’hui, c’est de tenter de se ménager des petits îlots de liberté dans un quotidien bien, trop rempli : prendre un « rendez-vous avec soi-même » (la seule personne à qui nous ne donnons jamais de rendez-vous et qui passe souvent après toutes les autres) pour une courte promenade solitaire après le repas de midi, passer une soirée sans téléphone et sans mails pour se concentrer sur la lecture d’un livre ou écouter de la musique, tout en se débarrassant de la mauvaise conscience qui nous envahit quand « les choses » n’avancent pas comme elles le devraient : parce que la liste des tâches que l’on s’impose ou qui s’imposent à nous ne s’épuise jamais, et que nous n’avons qu’une seule vie.