Les vacances sont souvent pour moi l’occasion d’être traversée par des pensées auxquelles je ne suis plus confrontée en temps normal. Quand la course du quotidien s’arrête, je me surprends notamment à imaginer ce que serait ma vie si j'avais eu des enfants.
Parce que, dans mon quotidien bien rempli d'aujourd'hui, il n’y a plus de place pour ces pensées, tandis que le rythme des vacances est plus lent, laissant de la place à la rêverie et à l'imprévu, et donc, aussi, aux enfants dont j'avais rêvé. Peut-être est-ce parce que je découvre en vacances des choses que j’aurais aimé leur montrer ? Parce que, malgré moi, je ne peux m'empêcher d'avoir mauvaise conscience de profiter « égoïstement » de ma liberté ? Est-ce, encore, parce que l’écriture et le contact avec d’autres blogueuses me manquent, ces activités devenues nécessaires à mon équilibre ? Ou bien un peu tout cela ?
À la plage, je me surprends à penser aux châteaux de sable que j'aurais construits avec mes enfants, aux longues baignades auxquelles j'aurais dû mettre fin pour qu'ils viennent se blottir, les lèvres bleuies par le froid, dans un grand drap de bain, et à la douche du soir pour tenter de faire partir le sable qui aurait envahi leurs oreilles et leurs cheveux. À la montagne, je pense aux plantes que je leur aurais montrées et dont je leur aurais expliqué le nom et les propriétés, et aux animaux sur lesquels mon mari, avec son sens inné de l'observation, n'aurait pas manqué d'attirer leur attention. Je pense aux jeux de société auxquels nous aurions joué, aux réveils matinaux forcés qui nous auraient peut-être permis de profiter de la beauté des premières heures du jour, aux passagers qui nous auraient fusillés du regard à cause du bruit dans le train, aux caprices devant le marchand de glaces, ou encore à la gastro qui se serait déclenchée au plus mauvais moment… Je n'ai jamais idéalisé mon rôle de parent : je sais que j'aurais été parfois agacée, voire à bout et désespérée. Et pourtant, en voulant devenir mère, j'étais prête à embrasser le meilleur comme le pire.
Peut-être la solution est-elle, comme souvent en ce qui me concerne, d'inventer autre chose. Partir en dehors des vacances scolaires. Faire des randonnées que nous n'aurions jamais pu faire avec des enfants. Participer à des sorties naturalistes où il faut rester postés pendant des heures pour observer un animal. Nous aventurer dans des régions improbables.
Mais peut-être est-il bon aussi de cultiver cette nostalgie, de laisser à nos enfants de la place dans les meilleurs moments de notre vie, ceux où nous ne courons pas après le temps. Alors, mon mari et moi surmontons notre embarras pour construire un château de sable, comme sur cette plage d’Estonie où, finalement, personne n’a prêté attention aux deux adultes qui jouaient comme des enfants. Pendant un concert en plein air, nous nous mettons à danser avec une joie enfantine, alors que les autres spectateurs restent droits comme des i et que seules quelques mamans font tournoyer leurs petits.
Cette vie de couple sans enfant, nous ne l’avons pas choisie, mais c’est notre vie et nous la chérissons. Et il n’y aurait rien de pire à mes yeux que de perdre des années à courir après ce que nous souhaitons devenir, plutôt que d'accueillir ce que nous sommes.