Ce qui n’a pas de nom n’existe pas et est condamné à être ignoré. Je me suis rendu compte récemment, grâce à une chanson de la géniale Lynda Lemay, qu’il n’existait aucun mot pour désigner les personnes qui ont dû renoncer à la parentalité. Une personne qui a un enfant est mère ou père. Une personne qui n’a pu que le rêver, une personne qui l’a été mais ne l’est plus, n’a pas de nom.
« Infertile » ne suffit pas puisque certaines personnes infertiles finissent par avoir des enfants… et qu’à l’inverse certains renoncent à la parentalité pour d’autres raisons. « Sans enfant », « libre d’enfant » peut laisser entendre qu’on a volontairement choisi ce destin.
On utilise des périphrases : « sans enfant par circonstances de la vie », « childless not by choice », « ungewollt kinderlos »… ; on invente de nouveaux mots que seuls les concernés connaissent : « mamange », « Herzensvater », « parents orphelins »… Je suis persuadée que le destin des personnes en deuil d’enfant sera moins tragique quand elles cesseront d’être invisibles. Avoir un nom est une condition vitale : quand un enfant naît, n’est-ce pas un nom qu’on lui donne en premier, pour proclamer son existence au monde extérieur ?
Voilà pourquoi j'écris : parce que « les choses que tout le monde ignore et qui ne laissent pas de traces n'existent pas » (Italo Stevo).